Trucs et astuces pour échapper au travail imposé

Publié le par ursul


 

Trucs et astuces pour échapper au travail forcé

 

          Mais cette parenthèse qui, j’espère, vous aura convaincus, ne doit pas nous détourner du projet de riposte contre l’envahisseur que je vais vous exposer maintenant. Avant que les hyènes ne soient parvenues à consommer nos restes, je vous convie à un petit jeu pour réduire leur stratégie à néant. Elles n’avaient pas besoin de mon concours pour se saborder, me direz-vous ? Pour se saborder, non, mais pour me saborder, oui ! Quand ils n’ont plus aucun moyen de nous abattre, ils tentent de nous faire plier, l’auriez-vous oublié ?

         Si l’on vous force donc à vous rendre à un entretien d’embauche pour un job qui vous donne envie de vous pendre, voici quelques trucs pour dissuader l’involontaire bourreau – le responsable du recrutement – de vous conduire au fameux gibet.



         Lors des entretiens, ne fixez que très rarement votre interlocuteur, sinon d’un air plus qu’évasif, regardez toujours à-côté comme si vous étiez perturbé par un insecte bourdonnant qui n’existe évidemment pas. Votre allocutaire, agacé par cette distraction chronique frisant l’incorrection, en déduira certainement que cet insecte est dans votre cerveau (une araignée au plafond, selon l’expression consacrée).

         L’objectif consiste moins à passer pour un con – profil qui généralement les ravit – que pour un cinglé – profil au contraire qu’ils appréhendent avec effroi. Ainsi faites-lui répéter chaque phrase superflue de son discours comme si vous étiez sourd ou drogué, achevant de le déstabiliser au terme de l’entretien par un inquiétant : « Et, moi, là-dedans, qu’est-ce que je dois faire ? ».

         N’hésitez pas à le tutoyer au cours du dialogue, comme si de rien n’était ; cette familiarité devrait lui glacer le sang, désireux qu’il est d’affirmer avant tout sa supériorité sur vous. Bredouillez, bégayez, rendez-vous inintelligibles s’il le faut.

        Posez-lui des questions saugrenues, déplacées, voire débiles : « Est-ce que vous aimez Enrico Macias ? », « Votre moustache, c’est une vraie ? », « Vous êtes breton ? parce que mon cousin est breton, et vous lui ressemblez vachement, j’veux dire… », « Vous avez vu Tom et Jerry à la télé, hier ? », « Ouais mais c’est quand qu’on peut partir en vacances, m’sieur ? », ou encore l’indémodable « C’est où, les chiottes ? », et autres interventions navrantes qui, durant l’exposé détaillé d’un aspect épineux du métier, seront du plus bel effet.

 


         Si l’interlocuteur a renoncé à ses exigences par faute de candidats à son annonce et s’est piteusement résigné à embaucher le premier connard venu, il va falloir passer à l’offensive.

         Prompt à vous engager au moindre prétexte, il vous faut passer, à ses yeux, de l’allure du doux dingue à la posture du fou dangereux. Point besoin de violence, quelques répliques cinglantes accompagnées de gestes convulsivement menaçants suffiront à faire blêmir de trouille notre bouillant recruteur. Il vous pose une question, exemple : « Vous vous y connaissez un peu en bois ? ». Pour toute réponse, vous le fixez d’un œil inquisiteur, le sourcil froncé en lui montrant votre menton d’un doigt menaçant, et cela dans un geste brutal, en hurlant : « Mais, et ça, c’est du bois !? » Ça marche aussi avec l’eau, le gaz, l’électricité ou avec n’importe quoi de concret ou d’abstrait, il importe simplement d’être insensé : succès garanti.

         Au sortir de votre entretien, vous pouvez également, au moment où le recruteur vous demande vos disponibilités, asséner la phrase qui tue avec une véhémence proche du comportement dit hystérique : « En tous cas, si je croise un fraisier dans les parages, j’lui nique sa race ! j’le bute avec ma Winchester ! Putain de fraisiers ! j’aurai vot’ peau ! ». Ce genre de menaces au caractère de démence accusé n’aura jamais autant d’impact que si vous postulez pour un emploi dans un fast-food.



         Si l’agressivité ne sied pas à votre caractère et que la mélancolie vous est plus familière, jouez-la donc dépressif, l’effet sera tout aussi désastreux : « Mon chien Bobby est mort jeudi, bou-ou-ou-ouh, ça va être quoi ma vie sans Bobby ? bou-ou-ou-ouh, il est où mon Bobby ? il est où mon toutou ? bou-ou-ou-ouh… ». Si vous ne calculez pas Bobby le chien, essayez avec Coco le perroquet, ça marche aussi bien (évitez cependant Boris la Mygale ou Dimitri le poulpe pour des raisons évidentes de crédibilité affective).

         Un masterpiece reste quand même le fameux « Fuck ! Michel Fugain » accompagné du doigté adéquat pour clore une interminable conversation stérile sur un sujet qui n’a aucun lien d’analogie ou d’association étroite avec notre fameux chanteur. Nonobstant, ne citez jamais le nom d’un footballeur, cela risque de susciter la sympathie du recruteur : il serait fichu de trouver ça passionnant.

         Bref, le tout est d’être à la fois totalement incohérent et franchement insupportable, donner à votre interlocuteur l’envie de vous voir partir sous les plus brefs délais au Guatemala, à Vladivostok, n’importe quelle destination où il ne croisera jamais plus votre regard hagard, vos expressions improbables ni votre gestuelle imprévue.



         En guise de conclusion et pour retrouver quelque peu mon sérieux, vous n’avez pas besoin d’en faire des tonnes tel un futur bidasse jouant les gogols pour se faire réformer aux trois jours. Se foutre visiblement de votre interlocuteur suffira amplement à le décourager. Comprenez que si un candidat compétent et motivé se fait généralement refouler, qu’adviendra-t-il normalement d’un type incompétent et manifestement désintéressé ? Le seul chemin auquel on vous conviera sera la porte.

Publié dans 5 Travaux forcés

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article